Les villes africaines, en particulier les grandes agglomérations, sont marquées depuis la 2ème moitié du XXème siècle par une croissance démographique et spatiale sans précédent, ce qui accroit les besoins de mobilité pour relier des lieux de plus en plus éloignés. Il s’agira durant le cours, dans un premier temps, de documenter le contexte de mobilité dans les villes africaines. Celui-ci est marqué depuis les indépendances par des crises climatiques et économiques qui entrainent des mouvements de migration des campagnes vers les villes, l’entrée de l’informel dans l’économie urbaine et une réduction des ressources budgétaires des Etats qui impacte l'investissement dans les services sociaux de base y compris le transport. Dans un second temps, le cours va explorer la théorie de la mobilité comme stratégie d’accès à la ville. Pour ce faire il analysera les stratégies de mobilité dans les villes africaines aussi bien résidentielles que quotidiennes et selon les catégories socioéconomiques. La troisième partie du cours est axée sur les politiques de gestion de la mobilité urbaine. Il s’agira de mettre en rapport les éléments du contexte identifiés avec les stratégies de mobilité analysées pour apprécier l’efficience des politiques de gestion urbaine et ressortir les forces et faiblesses en vue de l’action.
From the lesson
Pratiques de mobilité urbaine
Dans cette troisième partie sur les pratiques de mobilités urbaines en Afrique, nous abordons les comportements et stratégies de mobilités. Ils sont étudiés selon les déterminants des ruptures de la vie quotidienne : le sexe, le cycle de vie, le niveau de vie et le lieu de résidence.
Département de géographie, Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Université Cheikh Anta Diop de Dakar/ Institut de Population, Développement et Santé de la reproduction (IPDSR), UCAD
Jérôme Chenal
Dr Faculté de l'Environnement Naturel, Architectural et Construit - ENAC
Bonjour. Au cours de cette leçon,
nous allons nous intéresser aux mobilités et les rapports de genre.
Pour ce faire, la leçon sera organisée autour de 3 chapitres.
Les niveaux de mobilités, le recours aux modes, donc de transport, et les
aires de fréquentation.
Le fondement de la différence de mobilité entre les hommes
et les femmes est lié donc,
à cette double journée de travail de la femme,
contrairement aux hommes, d'une manière générale.
Un, donc la femme a un certain nombre de tâches domestiques qu'elle doit accomplir,
donc dans ou hors donc du domicile.
Que ce soit les achats,
que ce soit les travaux domestiques, s'occuper des enfants,
aller rendre visite à des malades, emmener son enfant à l'école.
Ce sont autant de tâches qui, dans la civilisation africaine,
d'une manière générale, on incombe aux femmes.
Et, la deuxième chose est que en plus, donc de
ces activités dans le cadre domestique, la femme, également doit
réaliser, en général, une activité de production,
qu'elle soit donc dans l'espace domestique,
donc la proximité à travers de petites activités,
donc génératrices de revenus, ou bien aussi dans le secteur formel.
Alors, ce confinement dans le domicile fait apparaître
une nette différence de mobilité entre les hommes et les femmes.
Et, les, ces statistiques donc des enquêtes
sur les mobilités dans nos 3 villes africaines, Bamako,
Niamey et Ouagadougou montrent que les hommes sont plus mobiles que les femmes.
Alors, vous voyez que à Bamako, par exemple, les femmes ont en moyenne
2,4 déplacements, contre 3,7 chez les hommes.
Et à Ouaga, de même 3,2 contre 4,4.
A Niamey, 3,3 contre 5,5.
Et, parallèlement donc aux déplacements moyens qui sont effectués,
donc les hommes ont un budget-temps de mobilité
beaucoup plus important que le budget-temps de la femme.
Vous avez, à Bamako, 47, chez les hommes 78.
A Ouaga, donc 55, 75.
Donc, en gros on pourrait arriver à une conclusion
assez générale, que les hommes dans les villes africaines
sont beaucoup plus mobiles que les femmes, et que d'une manière générale,
l'homme fait au moins un déplacement de plus que la femme, donc dans la journée.
Les comportements différenciés de mobilité chez les hommes et les femmes
relèvent d'une part des modes de vies, et d'autre part des normes culturelles.
Les modes de vie.
Alors, à l'homme généralement est dévolu le travail et la sociabilité, et
la femme, qui est à la fois mère de famille, et épouse, est
structurée dans ses activités par le fonctionnement, donc de l'unité familiale,
même si elle a un travail, donc source de revenus.
Les normes culturelles associent la femme à l'intérieur et l'homme à l'extérieur.
Et donc, ceci a des incidences sur le comportement de mobilité,
en ce sens que donc le fait d'associer,
donc la femme a l'intérieur va fortement conditionner ces espaces fréquentables.
Des fois maintenant, si elle a une activité, donc dans le secteur moderne,
cela lui permet d'échapper donc à ce carcan culturel.
A ces pesantes socioculturelles qui pèsent sur la mobilité des femmes,
et qui différencient de la, sa mobilité des hommes, s'y ajoute
l'inégal accès aux moyens individuels, donc de transport.
Bon, par exemple, à Ouagadougou,
quand les 3 quarts des femmes n'ont pas accès à un seul mode
individuel de transport, ceci n'est le cas que du quart des hommes.
Quant aux modes de déplacement utilisés, donc pour satisfaire les besoins
de mobilité, alors on observe que, en général,
les modes mécanisés de transport sont plutôt utilisés par les hommes.
Par exemple, à Ouagadougou, donc les hommes
réalisent près de 2 tiers de leurs déplacements en mode mécanisé.
Alors que chez les femmes,
seulement 2 déplacements sur 5 sont réalisés en mode mécanisé.
Et, quand on va à l'intérieur donc des différents modes
de transport qui sont utilisés, on se rend compte que le transport public en général,
est beaucoup plus utilisé par les hommes que par les femmes.
Ces images illustrent bien, donc nos propos.
Vous avez sur la photo de gauche la marche.
Sur cette photo, on voit beaucoup plus de femmes que d'hommes.
En fait, et les statistiques montrent que dans les villes où des enquêtes ont été
faites, entre 60 % à 70 %, donc des déplacements des femmes sont faits à pied,
contre 35 % à 50 % des déplacements pour les hommes.
Sur les photos de droite, vous voyez donc que les femmes,
devant cet arrêt de bus, ou bien en train, donc de négocier
un taxi clando, comme on appelle, un taxi collectif sur l'image du bas,
montre en fait que, comme les statistiques également le montrent.
les femmes, donc quand elles utilisent les modes de transports motorisés,
alors c'est beaucoup plus le transport artisanal que le transport
public de, donc de voyageurs, dans les espaces urbains.
Une autre différence de comportement, de mobilité, entre les hommes et les femmes,
peut être appréciée à travers les aires de mobilités.
L'étendue de ces aires de mobilités déjà transparaît dans
les normes et les modes de vie différents des hommes et des femmes,
et les normes culturelles, donc qui prévalent dans l'espace domestique.
Et, la conséquence est que justement les femmes,
donc sont surtout celles qui,
dont les déplacements relèvent beaucoup plus de déplacements de proximité,
et les déplacements au long cours sont beaucoup plus le fait des hommes.
Dans l'évolution maintenant des villes, et que de plus en plus on note, donc
les femmes qui accèdent, donc à ces métiers dans le secteur formel,
ceci est un moyen qui permet aux femmes de s'échapper,
donc de ces contraintes, de confinement donc,
qui caractérisaient sa vie domestique prédominante.
En conclusion, on peut retenir que les activités pratiquées, comme les espaces
fréquentés différencient les hommes des femmes dans les villes africaines.
Alors que la femme est fortement contrainte dans son emploi du temps
quotidien par les tâches domestiques, par contre les contraintes,
la mobilité de l'homme se conjuge en terme de contraintes professionnelles,
disposées ou non d'une activité,
donc productrice, et également d'un choix modal.
Nous arrivons au terme de cette leçon consacrée aux rapports de genres,
donc dans les mobilités urbaines, et dans la prochaine,
on va voir que le cycle de vie est un autre
élément de différenciation des comportements de mobilité.