[MUSIQUE]
Bonjour à toutes et à tous. Nous allons nous intéresser dans ce chapitre à l'un des phénomènes
emblématiques de la mécanique quantique, à savoir l'effet tunnel.
Dans cette première vidéo,
nous allons commencer par rappeler des résultats que vous connaissez bien pour
les avoir déjà rencontrés en exercices ou en devoirs lors des chapitres précédents.
Considérons donc une marche de potentiel associée à un potentiel V(x)
de hauteur V0, et intéressons-nous à un état propre de
l'hamiltonien d'énergie E égal h barre 2 k2 sur 2m.
Dans le cas où l'énergie E est supérieure à V0,
nous savons que la valeur propre est deux fois dégénérée.
Représentons par exemple la solution correspondant à une onde incidente venant
de la gauche donnant naissance à une onde transmise et à une onde réfléchie par la
marche.
Si nous diminuons maintenant la valeur de l'énergie,
nous constatons que le comportement devient radicalement différent dès lors
que E est inférieur à V0.
Dans ce cas le sous espace propre est non dégénéré,
et il n'existe qu'une seule solution physiquement acceptable, correspondant à
une réflection totale de l'onde incidente sur la marche de potentiel.
Rien de surprenant à cela puisque l'énergie n'est plus suffisante
pour franchir la marche.
Cependant, on observe alors un phénomène tout à fait remarquable.
La probabilité de présence à l'intérieur de la marche n'est
pas rigoureusement nulle et prend la forme d'une onde évanescente.
Cette onde décroît de manière exponentielle,
Son amplitude étant proportionnelle à exponentielle moins kappa x,
où kappa est défini par h barre 2 kappa 2 sur 2m, égal V0 moins E.
Cette onde évanescente est un phénomène sans équivalent en mécanique classique.
Après la marche de potentiel,
considérons maintenant le cas d'une barrière de largeur petit a.
Comme vous le savez, si la barrière est suffisamment peu épaisse,
l'onde évanescente pourra traverser et donner naissance à une onde transmise.
La particule aura alors une probabilité non négligeable de traverser la barrière
malgré l'énergie inférieure à V0.
C'est ce qu'on appelle l'effet tunnel,
phénomène évidemment impossible en mécanique classique.
En appliquant les relations de continuité de la fonction d'onde et de sa dérivée aux
deux interfaces, on peut calculer la transmission grand T de la barrière.
On obtient ainsi une expression faisant intervenir le sinus hyperbolique du
produit kappa a.
Cette expression est assez compliquée car dans la barrière,
la fonction d'onde est la superposition de deux termes.
L'onde évanescente en E puissance moins kappa x,
et un second terme en E puissance plus kappa x.
Le rôle de ce dernier terme est d'assurer la continuité de la fonction d'onde et de
sa dérivée à la sortie de la barrière.
Mais si nous augmentons l'épaisseur de la barrière,
la contribution de ce second terme deviendra quasiment négligeable.
Dans ce régime, on peut obtenir une image physique très simple de l'effet tunnel,
l'amplitude de probabilité décroît approximativement en E puissance
moins kappa x dans la barrière, si bien que l'amplitude en sortie est
proportionnelle à E puissance moins kappa a.
En l'élevant au carré, on obtient un courant transmis tout simplement
proportionnel à l'exponentielle de moins 2 kappa a.
À un préfacteur près,
c'est effectivement ce que l'on obtient en développant l'expression théorique dans la
limite où kappa a prend une valeur très supérieure à a, ce qui permet de remplacer
le sinus hyperbolique par la moitié de l'exponentielle de kappa a.
Comme vous avez pu le constater,
si on s'aventure à calculer la probabilité de transmission par effet tunnel pour un
objet macroscopique, on obtient un nombre ridiculement petit.
L'effet tunnel n'a donc aucun sens à l'échelle macroscopique.
Il faut descendre à l'échelle moléculaire, atomique ou subatomique pour que l'effet
tunnel commence à jouer un rôle intéressant.
Considérons par exemple un électron d'énergie égale à 5 électrons-volts devant
franchir une barrière de hauteur égale à 10 électrons-volts.
La formule théorique de l'effet tunnel nous donne la courbe représentée ici
en bleu.
La transmission est clairement non négligeable pour une épaisseur
de barrière inférieure à une fraction de nanomètre.
On peut donc en conclure que l'effet tunnel jouera un rôle très important au
sein des molécules chimiques ou de la matière solide.
Puisque les distances entre atomes y sont de l'ordre d'une fraction de nanomètre
et que les énergies sont de l'ordre de quelques électrons-volts,
cela signifie qu'un électron pourra sauter par effet tunnel d'un atome à l'atome
voisin dans une molécule ou dans un cristal.
Par ailleurs, la variation exponentielle que nous avions évoquée plus tôt,
et qui est représentée ici en rouge, devient une très bonne approximation du
résultat exact dès lors que la transmission est inférieure à 10 %.
Dans ce régime exponentiel et avec les paramètres choisis ici,
on pourra retenir un ordre de grandeur utile.
Une diminution de l'épaisseur de la barrière de 0,1 nanomètre a pour effet
d'augmenter la transmission tunnel d'un ordre de grandeur.
Un autre domaine de la physique quantique où l'effet tunnel jouera un rôle important
est celui de la physique nucléaire.
Considérons par exemple un nucléon,
trois ordres de grandeurs plus massif qu'un électron,
avec une énergie typique de l'ordre d'une dizaine de mégaélectrons-volts.
La valeur de kappa se trouve ainsi augmentée de près de 5 ordres de grandeur,
si bien que c'est maintenant pour des distances de l'ordre de quelques
femtomètres que l'on pourra observer un effet tunnel non négligeable.
Or les noyaux ont justement des dimensions de l'ordre de quelques femtomètres,
ce qui nous indique que l'effet tunnel va effectivement se manifester
en physique nucléaire.
En résumé, nous avons vu dans cette leçon quelques ordres de grandeur importants
liés à l'effet tunnel à travers une barrière de potentiel.
La prochaine leçon portera sur la réflexion totale interne frustrée, un
effet d'optique ondulatoire parfaitement analogue à l'effet tunnel que nous venons
de voir comme une conséquence de la nature ondulatoire de nos particules.
Nous verrons ensuite deux illustrations de l'effet tunnel,
tout d'abord avec des électrons dans le microscope à effet tunnel,
puis avec des nucléons dans le phénomène de radioactivité alpha.
Enfin, nous terminerons ce chapitre par l'étude du double puits.
[MUSIQUE]